Exilée de ma terre natale, brutalement, comme dans un long sommeil interrompu, est-ce une réalité ou un songe ?
Plongé dans un autre décor qui n’était pas le mien, j’ai fermé les yeux en vivant la vie, la mienne, pas celle qu’on a choisie pour moi…
De longues heures de sommeil m’interrogent : des générations avant moi se posaient la même question… Je pensais être la dernière… J’ai erré dans mes toiles les interrogeant les unes après les autres …Nous conversons : elles me ramenaient à une réalité si cruelle que je les mutilais, je les griffais…
Je ne trouvais aucune réponse. C’est le cri qu’on ne veut jamais entendre… 
Pourquoi le monde choisit-il notre destin puis nous reproche notre destinée ?
…Je reviens vers elles obsessionnellement… le néant me saisit, m’enveloppe dans cette toile qui est mon unique patrie…
Quelques fois, pour me rassurer, je prends mon aquarelle d’enfant, que j’appelle la récréation… Entre deux dilemmes, je m’installe dans ce décor de mon enfance : joie, rituel et amour que j’ai cristallisés en vagabondant sur mes toiles ; quelques cotillons, un drapeau, des bonbons, des êtres colorés vierges d’esprit, sans pollution médiatique… Arabes et Juifs, une seule famille.